En septembre dernier, Patricia Oudit rencontrait Kauli Vaast et abordait sa préparation au JO. Hier soir, le surfeur Polynésien a remporté l’or sur sa vague, à Teahupoo. Retour sur son Interview.
Le surfeur tahitien de 21 ans, triple Champion d’Europe Pro Junior 2017, 2019 et 2022 s’est qualifié en juin dernier pour ses premiers JO où il surfera dans son jardin de Teahupoʻo. C’est à Hossegor, plage des Culs Nuls que nous l’avons rencontré en septembre dernier lors du premier Quiksilver Festival.
GQ : Être ici, à Hossegor, ça vous repose du stress olympique ?
Kauli Vaast : Tout à fait ! C’est top de pouvoir faire équipe avec Vahiné Fierro, mon amie polynésienne qui est aussi qualifiée pour les JO. Aujourd’hui, c’est les combos, soit deux manœuvres (airs ou rollers) minimum sur 30 mn et les juges prennent la meilleure vague. On s’éclate avec ce format inédit par équipe, zéro pression, que du plaisir dans des supers conditions.
C’est si éprouvant que cela de se qualifier pour les JO ?
Oui, d’autant que j’ai eu mon sésame pendant mes premiers championnats du monde open avec l’équipe de France en août dernier, au Salvador et j’avais une grosse pression. Ça a été très long, épuisant puisqu’on a eu sept jours de compétition avec beaucoup de séries à passer avec les meilleurs mondiaux, sous une chaleur infernale, même pour un Polynésien ! J’ai vraiment souffert jusqu’au bout car j’ai dû aller jusqu’aux repêchages… Heureusement, Vahiné s’est qualifiée un jour avant moi qui avait encore six séries, et ça m’a donné la niaque de la voir pleurer de joie ! Le lendemain, c’était à moi d’exploser de bonheur.
Vous aviez pensé quoi des premiers JO de l’histoire du surf à Tokyo en 2021 ?
J’ai regardé ça avec des étoiles dans les yeux. Pour un athlète, quel que soit la discipline, les JO, ça dépasse tout, c’est la médaille qui peut faire changer une vie. Et ces premiers jeux ouvraient la porte pour nous, la plus jeune génération. Voir mes deux grands frères, Michel Bourez et Jérémy Florès être les premiers surfeurs français à participer aux JO, c’était un émerveillement. Je suis né en 2002, et à l’époque, personne n’aurait pensé que le surf serait un jour olympique. On n’en rêvait même pas. Je me contentais de rêver devant ma télé aux exploits d’Usain Bolt…
Les JO vont avoir lieu dans votre jardin, à Teahupo’o, quel est votre parcours sur cette vague mondialement connue et redoutée ?
Ma première fois là-bas, j’avais 8 ans, soit 4 ans après avoir débuté le surf sur les spots du North Shore. J’ai eu peur, j’ai toujours peur d’ailleurs parce de Teahupo’o, on nous raconte le danger, le risque qu’il y a à affronter cette masse d’eau monstrueuse, sa lèvre épaisse qui fait paniquer, le récif à fleur d’eau sur lequel on peut aller s’éclater. On a tous vu des accidents, des gens sortir de l’eau dans un sale état. Sauf que ce jour de mes 8 ans, je suis avec mon père et je ne vois rien de tout ça : le ciel est bleu, les vagues sont petites… Mais c’était magique. Peu à peu, j’ai commencé à y aller tous les jours, à surfer de plus en plus gros. Il y avait Michel (Bourez) et parfois, je me contentais de rester au pic et de le regarder car c’était bien trop énorme pour moi. J’ai appris en l’observant. Et un jour, j’ai gagné ma première compétition junior là-bas. En 2021, je l’ai surfée à 15 m en tow-in, une des plus grosses sessions de l’histoire, et en 2022, j’ai terminé deuxième du Tahiti Pro, une étape du Championship Tour (CT, le championnat du monde). Cette vague, je la prends dès que je rentre chez moi, au lever du soleil, il n’y a pas mieux, de l’adrénaline pure.
Comment se passe votre préparation olympique ?
Avec Vahiné Fierro, on a le même kiné qui est aussi notre préparateur physique et il nous suit depuis quand on est petits. Depuis deux, je travaille avec une préparatrice mentale que j’ai rencontrée aux États-Unis, on a une super connexion et ça m’aide à canaliser les émotions. Ce qui est compliqué, c’est que parallèlement à cette échéance olympique, j’essaie de me qualifier sur le CT, ce qui implique beaucoup de déplacement et peu de temps à la maison pour me ressourcer, or c’est important. C’est pour ça que je travaille aussi sur ma gestion de l’énergie en apportant beaucoup d’attention à ma nutrition, à mon sommeil, en programmant chaque moment de récupération afin de les optimiser.
Quelles sont vos ambitions ?
Rapporter l’or. C’est à double tranchant de jouer à domicile devant ses proches, qui attendent forcément des exploits, on ne veut pas décevoir et en même temps, c’est une motivation extraordinaire. Il va falloir réussir à tourner cette pression en bonne pression. J’ai eu la chance de pouvoir faire trois répétitions générales sur la vague puisque le CT y passe et qu’à chaque fois je me suis classé dans le top 10. Le jour J, ma famille, mes amis seront à quelques mètres de moi dans le channel et ça c’est unique ! Et quand je me visualise, c’est énorme ! D’autant qu’on est déjà deux Polynésiens en lice, on débarque en force et j’aime à croire que rien ne peut nous arrêter.
Quelle serait la session parfaite, gagnante ?
Pas de vent, il fait beau, des vagues de 2 à 3 m qui tubent avec 17 s de période (laps de temps entre deux vagues), toute la famille dans le bateau, qu’on sente leur souffle et le Mana (force sacrée en Tahitien). Et quand le monde va découvrir notre peuple, notre culture, tout cet amour, et cette vague mythique et sublime de cette île perdue au milieu de l’océan, on se dira que le surf n’aura pas de plus beau spectacle à offrir.
Patricia Oudit